Le plagiat est une faute d’ordre moral, civil ou commercial, qui peut être sanctionnée au pénal, elle consiste à copier un auteur ou accaparer l’œuvre d’un créateur dans le domaine des arts sans le citer ou le dire, ainsi qu’à fortement s’inspirer d’un modèle que l’on omet, délibérément ou par négligence, de désigner. Il est souvent assimilé à un vol immatériel.
Le « plagiaire » est celui qui s’approprie indûment ou frauduleusement tout ou partie d’une œuvre littéraire, technique ou artistique (et certains étendent ceci — par extension — à un style, des idées, ou des faits). Le plagiat diffère de l’art du pastiche, qui consiste à imiter ou à calquer les codes ou les figures d’expression d’un auteur, dans un but d’ironie, d’humour ou de dérision.
Le plagiat, qui ne fait pas l’objet d’une définition juridique, est une forme de contrefaçon. Certains1 opèrent une distinction entre le plagiat, emprunt grossier, et le « démarquage », où le texte subit des modifications variées pour brouiller les pistes. De même les anglophones rapprochent parfois aussi du plagiat le misquoting (sources manquantes ou insuffisantes), le Self Plagiarism (un auto-plagiat, nullement illégal voire impossible en tant qu’oxymorique, souvent utilisé par les artistes (Warhol en particulier, qui en a fait sa marque), mais parfois assimilé à une sorte de manquement à une nouvelle « norme morale » ou à une sorte de fraude par recyclage quand il n’est pas signalé), de même que pour le slice and dice plagerism (recomposition de ses propres écrits)2. Dans le domaine scientifique, l’auto-plagiat ou publication redondante est prohibé3.
Origine du mot et histoire du plagiat dans les arts
Attesté en français en 1697, le mot plagiat est l’œuvre d’un tricheur, d’un voleur ou pilleur. Il commence à s’appliquer au monde des Belles-lettres, même si le verbe plagier n’apparaît qu’en 1801, à l’âge des émois romantiques. Le mot plagiaire est plus ancien, attesté vers 1484 selon le dictionnaire étymologique de Dubois et Dauzat : le plagiaire n’est qu’un faussaire qui se contente de recopier les autres artistes, hommes de l’art ou de science, de voler les bons auteurs, contributeurs ou hommes de spécialités, tant leurs livres, leurs manuscrits, leurs études, rapports, bref d’accaparer sans vergogne le fruit de leurs recherches et de leurs longues applications à fabriquer et étudier. Il s’agit de quelqu’un qui s’approprie le labeur d’autrui tout en cherchant à se faire passer pour le créateur ou l’auteur véritable et à essayer d’en capter honneurs et succès.
Le mot latin masculin plǎgǐārĭus, ĭi désigne un débaucheur d’esclave d’autrui, un receleur d’esclaves, c’est-à-dire de biens meubles dérobés illégalement ainsi qu’un marchand qui vend ou achète comme esclave une personne libre ou un enfant ravi à sa famille libre. Le mot latin provient du verbe plăgiāre, qui signifie simplement à l’époque de Ciceron « voler un homme », selon le Gaffiot. Le plǎgĭum est alors une activité criminelle, car l’autorité régule et contrôle le commerce des esclaves. Nous pouvons supposer que le dernier verbe gréco-romain, issu du mot grec plagios, signifiant « oblique, en pente », également à l’origine du terme italien plaggia soit la plage en un sens topographique, possède à l’origine le sens de « obliquer, détourner ». Le plagiaire, s’il est un auteur d’un forfait, s’affirme dès l’Antiquité en auteur crapuleux d’un détournement vers ses propres intérêts à valoriser, quitte à réduire en esclavage d’autres hommes ou leurs enfants.
Les premières attentions portées au plagiat, perçu comme un phénomène préjudiciable à la création, sont issues du monde littéraire. En matière intellectuelle les idées sont de libre parcours : tout le monde peut les reprendre. Mais le plagiat va au-delà : le plagiaire tente d’usurper une gloire indue en s’appuyant sur l’œuvre d’un autre auteur. Il emprunte sans le dire la forme de l’expression.
Le terme plagiaire semble apparaître pour la première fois dans les épigrammes du poète satirique Martial, lequel se plaint à un ami que ses œuvres ont été appropriées par un autre et sont en servitude pénible, en rappelant quel est le véritable auteur : « tu ramèneras le plagiaire à la pudeur » (impones plagiario pudorem)4. Pourtant à cette époque, le plagiat est un jeu d’école qui légitime ce type d’emprunt souvent avoué ou connu5. Ainsi Sénèque engage les auteurs à « digérer » leurs prédécesseurs6.
Au Moyen Âge, trouvères et troubadours ne cessent de se copier. La tradition orale est alors encore plus importante que la tradition écrite avec des œuvres qui ne sont pas signées. Avant la découverte de l’imprimerie, les copistes n’hésitent pas à faire commerce des écrits qu’ils ont copié pour leur compte. À la Renaissance, la réapparition des manuscrits grecs et romains favorise le plagiat alors que se développe progressivement la conception patrimoniale de l’œuvre littéraire et la diffusion du livre par la librairie. En France, l’ordonnance du défend d’imprimer des livres nouveaux sans la permission du Parlement ou du roi. L’ordonnance de Moulins de février 1566 donne alors au libraire un droit d’exploitation, souvent sur 10 ans, l’auteur lui vendant son œuvre sans considération du nombre d’exemplaires vendus7.
Au xviie siècle, le plagiat est au centre de nombreuses controverses, notamment chez les grands auteurs qui commencent à pouvoir vivre de leur plume sans avoir besoin de mécène. À cette époque, un prétendu professeur enseigne à ses disciples « l’art de voler et de pallier finement leur larcin ». Antoine Gachet d’Artigny relate dans ses Nouveaux mémoires d’histoire, de critique et de littérature comment un certain Richesource crée une école de plagianisme8.
Ce n’est qu’au xviiie siècle que le droit d’auteur se forme dans sa conception moderne, et que le plagiat devient juridiquement distinct de la contrefaçon. Diderot qualifie à cette époque le plagiat comme étant « le délit le plus grave qui puisse se trouver dans la République des Lettres »9.
Le terme prend son sens au xixe siècle, et désigne alors les œuvres dont le caractère original n’est pas jugé suffisant pour les faire entrer dans la littérature[réf. nécessaire]. Avec le temps et le développement de l’impression à grande échelle, le plagiat n’empiète plus seulement sur les terrains de l’originalité ou de la moralité, mais également sur celui de la propriété7.
La copie à titre humoristique, et par exemple le pastiche, sont en France exclus de l’application de la loi sur la propriété intellectuelle10.